A day a little bit special [Michael]

**Charlotte Leonhart**

D'un geste systématique et las, elle déposa le cachet sur sa langue, avant de porter le verre à ses lèvres et de boire une gorgée d'eau, pour faire passer le médicament. Elle réitéra l'opération trois nouvelles fois. Et tous les matins, c'était le même rituel. Quatre cachets par jour, tous les jours, à vie. Fichue maladie... Elle détestait son coeur. Elle le détestait de lui faire subir tout cela. C'était de sa faute si elle se trouvait de ce côté du Mur. De sa faute si elle avait été séparée de Ben. Ben.... Comme il lui manquait. Et comme tous les matins, après avoir pris ses médicaments, elle versa quelques larmes en pensant à son petit bonhomme qui grandissait, elle l'espérait, avec épanouissement au Nord, chez sa soeur Shaylee. D'habitude elle séchait simplement ses yeux, ses joues et vaquait à ses occupations. Aujourd'hui, elle se dirigea dans la salle de bain pour effacer toute trace de sa tristesse. Aujourd'hui était un jour particulier et elle voulait essayer d'être joli, pour lui faire plaisir.

Devant le miroir, elle se maquilla un peu les yeux. Un peu. Avec ce qu'il lui restait. C'était que le monde des cosmétiques se préoccupait bien peu des envies de paraître jolies des femmes au sud du Mur... Pensez, ils n'y gagneraient pas d'argent. Personne ne gagnait d'argent ici. L'argent n'existait même pas. Elle avait emporté dans sa valise une toute petite trousse de maquillage. Pour garder l'illusion, s'était-elle dit en la mettant dans le seul sac qu'elle emmenait. Elle n'utilisait pas souvent son maquillage, puisqu'elle ne pourrait pas en racheter, elle préférait le sortir pour de grandes occasions. Aujourd'hui en était une, et elle voulait le célébrer. Elle en avait assez de vivre dans ce monde de vols, de crimes, de barbaries... Elle voulait être heureuse, un peu. Elle ne trouvait pas cela trop demandé. En s'observant dans la glace, elle eut un petit sourire en imaginant qu'il lui demanderait si elle avait bien pris ses médicaments lorsqu'il la verrait. Il lui demandait toujours.

Emportant un petit carton qu'elle cacha sous son gros sweat, elle sortit finalement du petit taudis qu'elle avait transformé en petite maison à elle. Durant tout le trajet qui la mena à l'hôpital, elle garda le visage baissé. Elle savait qu'un seul regard de travers pouvait vous coûter la vie dans ces rues trop dangereuses. Elle n'aimait pas sortir à vrai dire. Mais elle s'y forçait, pour aller chercher ses médicaments, ou pour essayer de trouver de nouvelles pièces. Ce n'était pas en restant enfermée chez elle qu'elle parviendrait à trouver des pièces pour monter son ordinateur. Elle doutait que cela lui tomberait directement du ciel dans les mains...

Arrivée en Zone Neutre, elle se sentit un peu plus sereine déjà. Elle rejoignit rapidement l'hôpital et alla directement à l'accueil pour se renseigner sur les horaires de son cousin. On lui annonça qu'il aurait bientôt terminé son service. Contente de cette nouvelle, elle décida de l'attendre dans le hall. Seuls quelques sièges étaient disponibles et la plupart étaient occupés par des malades qui attendaient. Charlotte alla s'appuyer dans un coin, un peu à l'écart. Elle resta un petit moment à observer les allées et venues. Puis finalement, elle le vit. Il se dirigeait vers la sortie et ne semblait pas l'avoir vue. Se redressant, elle le rejoignit rapidement. Elle passa son bras autour du sien, le tirant un peu pour qu'il se penche afin que ses lèvres atteignent sa joue.

- Bon anniversaire Michael.

Un sourire tendre et affectueux s'était fait une place sur son visage malade. Elle sortit de sous son sweat la petite boîte en carton et la tendit à son cousin. Cela faisait un moment qu'elle travaillait dessus, mais ça en valait la peine. A l'intérieur de la boîte, il trouverait un petit baladeur MP3. Ce n'était pas grand chose. Elle l'avait retrouvé en fouillant les décombres de l'Université, quelques semaines plus tôt. Les écouteurs ne semblaient pas fonctionner. Elle avait ramené l'ensemble, avait réussi à bidouiller les fils des écouteurs, un peu, et avait ouvert le baladeur pour s'assurer qu'il n'était pas endommagé.

- Ce n'est pas grand chose mais j'espère que ça te fera plaisir. Je l'ai réparé mais il ne fonctionne pas très bien. Le plus dur sera de te procurer des piles, j'en ai trouvé une petite dizaine déjà, elles sont dans la boîte.
Et si tu n'as rien de prévu, je t'invite chez moi pour fêter ça.

**Michael Arthur Anders** **staff** •

« Michael qu'est-ce que tu fais ?! » s'énerva June lorsque je revins dans le box. « Ça fait dix minutes que j'attends ce médoc, tu es allé le chercher où ? A l'autre bout de la ville ou quoi ? » L'adorable sourire qu'abordait d'habitude ses lèvres, était partie en fumée aujourd'hui. Je ne savais pas ce qu'elle avait ses temps-ci. Elle semblait tendue. Elle ne me parlait plus vraiment, elle semblait ailleurs. Je lui tendis la seringue et ne répondis rien. Elle injecta le médicament dans la perfusion et lança la seringue dans un plateau à instrument. Elle fit le tour du lit et se dirigea vers la sortie, je la retins par le bras. « June? » demandais-je peu confiant. « Quoi? » répondit-elle d'un tond agacé. « Rien » finis-je par lâcher. Ce n'était vraiment rien. Pas de quoi l'importuner. Je n'étais surement pas tombé le bon jour. Moi aussi, il y avait des jours où j'étais de mauvaise humeur. Elle se dégagea et sortit du box. Je la regardais s'éloigner, ses boucles brunes sautillant au dessus de sa blouse lorsqu'elle marchait. J'esquissais un sourire et suivit le pas.
Je traversais le couloir pour rejoindre les vestiaires. Il était temps que ma garde se termine, enfin. J'ouvris avec difficulté la porte, qui visiblement n'avait pas été réparé la veille, comme prévu. Je poussais un juron. J'entendis alors la voix de Ben me disant que ce n'était pas la peine de m'énerver sur une simple porte. Je poussais un soupir ironique. « Si il n'y avait que cette porte » ajoutais-je tout bas en ouvrant mon casier. Le grand brun semblait ne pas m'avoir entendu. Tant mieux après tout. Je n'avais pas le coeur à me lancer dans de grande explication. En tout cas pas ce soir. Peut-être un autre, durant une garde. Je retirais ma blouse blanche et la glissais sur le cintre. Une bonne douche me ferait du bien.
18h30. Cela avait encore été une dure journée. Je passais à l'accueil de l'hôpital pour dépointer. Fin de garde de Michael Anders. Mon regard se posa un instant sur la date. Aujourd'hui nous étions le 30 septembre et s'était mon anniversaire. J'avais officiellement 33 ans. Mais personne n'y avait pensé, même pas June. Après réflexion, je me dis qu'elle ne le savait peut-être pas. A dire vrai, je n'avais pas le souvenir de lui avoir dit ma date de naissance. Ce n'était qu'une date après tout. Je signais la feuille de sortie et me dirigeait vers les portes coulissantes quand je sentis quelqu'un m'attraper le bras. Un doux baiser se posa alors sur ma joue. C'était Charlotte. « Bon anniversaire Michael » me dit-elle dans un sourire. J'esquissais un sourire maladroit de surprise. Elle y avait pensé. Elle était sortit et avait traversé la ville pour venir me le souhaiter. Une chose inconsciente quand on savait son état. Elle avait même fait l'effort de se maquiller. Elle était très jolie. « Charlotte...comment as-tu su que? » bafouillais-je avant qu'elle ne sorte un paquet de sous son sweat. « Ce n'est pas grand chose mais j'espère que ça te fera plaisir. Je l'ai réparé mais il ne fonctionne pas très bien. Le plus dur sera de te procurer des piles, j'en ai trouvé une petite dizaine déjà, elles sont dans la boîte ». J'ouvris la boite avec stupéfaction et constatait que s'était un baladeur mp3. « Mon Dieu, ça existe à Tijuana des trucs cela?! Merci beaucoup Charlotte ». Un sourire se dessina sur son visage. Je la pris alors soudainement dans mes bras et la serrais fort contre moi. C'était si bon d'avoir quelqu'un de sa famille avec soi. Quelqu'un avec qui parler des gens qu'on aime, avec qui partager des vieux souvenirs de repas de famille. C'est un chose qui n'a pas de prix. J'avais de la chance qu'elle soit là. Je déposais un baiser sur le haut de son front en signe d'affection et relâcha un peu l'étreinte. « Attends, tu as pris tes médicaments aujourd'hui? » demandais-je soudainement avec intérêt. Charlotte échappa un soupir. « T'as raison, je t'embête. Merci Charlotte » rectifiais-je en la serrant une nouvelle fois dans mes bras. Je lui rendis enfin sa liberté et me proposa d'aller fêter mon anniversaire chez elle. « Avec grand plaisir cousine » lui répondis-je en la tirant vers la sortie.
Le soleil était encore haut dehors, mais la température avait légèrement baissé. Il faisait plus doux. C'était l'idéal pour se balader. « Je n'en reviens toujours pas que tu y ais pensé. Tu es ange Charlotte. Un ange surdoué en éléctronique. » lançais-je en rigolant. « Merci beaucoup d'être venu ».

**Charlotte Leonhart**

Sans se départir de son sourire, elle accueillit l'étreinte de Michael avec joie, la lui rendant avec douceur. Cela faisait des siècles que personne ne l'avait serrée ainsi. Elle n'arrivait même pas à se rappeler de la dernière fois. Elle avait beau être fragile et malade, elle n'en était pas pour autant une petite chose frêle que l'on avait envie de prendre dans ses bras pour la réconforter. Elle avait son petit caractère et c'était certainement son statut de mère, la maturité et l'assurance que cela lui apportait, qui faisaient que les gens ne la prenaient pas en pitié malgré son teint blafard et sa mine fatiguée. Cela faisait longtemps et elle apprécia d'autant plus ce contact qu'elle le partageait avec un membre de sa famille. Dans son malheur, elle avait eu la chance de retrouver Michael ici, à Tijuana. Pourtant, on ne pouvait pas dire que les deux cousins étaient particulièrement proches.

Les principaux souvenirs qu'elle avait en commun avec son cousin se situaient dans leur enfance. Les grands dîners de famille durant lesquels les parents passaient les journées à table à discuter tandis que les enfants allaient jouer dans les chambres. Il y avait aussi les vacances tous ensemble dans la maison d'été des grands parents. Les jeux collectifs au ballon auxquels elle était toujours nulle. Les sorties à la piscine où elle aimait couler tout le monde. Et, lorsqu'ils furent un peu plus âgés, les jeux sur les consoles vidéos, où elle gagnait à tous les coups. Mais plus ils avaient grandis, moins ils s'étaient vus, éparpillant finalement leurs rencontres à quelques jours dans l'année. Ils devinrent adultes et la distance les sépara encore un peu plus. Elle vivait loin de Michael et avait plus souvent de ses nouvelles par leurs parents que par lui-même. Elle avait appris qu'il était devenu chirurgien. Elle avait réussi à lui annoncer la naissance de Ben. Puis, plus tard, l'assassinat de Mark. Ben et Michael ne s'étaient jamais vus. Mais elle était certaine que son petit bonhomme aurait adoré son oncle.

L'étreinte s'amoindrit et, comme prévu, Michael lui demanda si elle avait bien pris son traitement. Elle hocha doucement la tête en souriant et soupirant à la fois. Oui, elle l'avait pris. Elle le prenait tous les jours et veillait à toujours avoir des médicaments à l'avance pour ne pas avoir à subir une nouvelle fois la mésaventure qui lui était déjà arrivée. Le soleil caressant et réchauffant sa peau fit s'installer définitivement le sourire sur ses lèvres. Glissant une main au bras de son cousin, elle l'écouta lui avouer sa surprise, et la remercier de son cadeau. Elle aurait aimé faire plus, mais les lieux n'étaient pas propices à un présent merveilleux et une jolie fête. Michael devrait se contenter d'un MP3 parfois défectueux et d'un repas tout simple chez elle. Elle leva un regard étonné vers lui.

- Je ne pouvais pas manquer ça. On a tellement peu d'occasions de se réjouir ici, il ne manquerait plus qu'on laisse passer celles qui se présentent...
Pourquoi es-tu aussi surpris que j'y pense ? Personne d'autre ne te l'a souhaité ?

Voilà qui aurait été bien triste. Mais peut-être aussi que personne d'autre n'était au courant. Un anniversaire. C'était une chose qui pouvait paraître tellement futile lorsqu'on se trouvait au Sud. Pourtant, elle se refusait à oublier le sien et à ne pas fêter celui de ses proches. Certainement parce que cela la rapprochait des banalités et des coutumes du Nord. Ne pas oublier qu'ils étaient civilisés et qu'ils pouvaient être heureux, un peu. Croire et espérer aussi qu'un jour, peut-être, ils pourraient de nouveau fêter le jour de leur naissance avec leurs proches restés au Nord. Elle ne voulait pas renoncer à tout cela, malgré les difficultés qui pouvaient se présenter ici. Et comme elle marchait dans la rue, elle eut l'impression que ces obstacles étaient moins nombreux ici, en Zone Neutre. Elle aurait bien aimé y migrer, mais elle avait définitivement plus de chance de trouver des composants électroniques dans la communauté du Nord, dans les débris de l'Université. Le confort ou l'ambition, elle avait choisi.

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