Age
38 ans
Lieu de Naissance
San Diego, Californie.
Catégorie:
3
Raison de son Envoi au Sud :
Opposante politique au Gouvernement et considérée comme individu dangereuse par les autorités supérieures.
Communauté:
Nord.
Rôle dans la Communauté
facultatif
Traits de Personnalité: combattive ; persévérante ; forte ; charismatique ; difficilement influençable ; sûre d'elle ; déterminée ; intelligente ; attachante ; sérieuse ; bienveillante.

«Je n'ai jamais été du genre à me laisser marcher sur les pieds, et cela, depuis mon plus jeune âge. Dès mon enfance, j'ai tout de suite affirmé mon fort tempérament. J'aimais être celle qui guidait, menait les autres, et établissait les règles. Ce que je redoutais le plus au monde, était de vivre un jour dans l'ombre de quelqu'un d'autre. Personne n'osait rivaliser avec moi, de peur de se retrouver perdant. Je réussissais à peu près tout ce que j'entreprenais, rien ne pouvait me résister, dès lors que j'avais décidé de l'obtenir. J'allais toujours au bout de mes convictions, et accomplissait tous les objectifs que j'avais pu me fixer au préalable. Durant toute ma vie, jusqu'à ce jour, ce terrible jour que je ne pensais jamais capable de se montrer, j'ai évolué ainsi, avec ce même état d'esprit, et c'est malheureusement ce qui m'a amené à me retrouver ici, dans cet environnement hostile et malsain.

Je suis née au sein d'une famille plutôt aisée. Mon père était médecin, et rapportait assez d'argent au foyer pour que ma mère se passe de tout effort à ce niveau. Elle restait toujours à la maison, toujours disponible et présente pour nous donner, à mes sœurs et moi, une parfaite éducation. Mon enfance n'a pas été particulièrement marquante, du moins, elle ne pourrait en rien intéresser autrui. Je préfère garder au fond de moi ces précieux souvenirs, personnels, et chers à mon cœur, derniers vestiges de ma vie d'antan. Je suis entrée à l'université, où j'ai décroché après quelques années de travail acharné, mon diplôme de droit, qui m'a permis de me lancer dans une relativement courte carrière politique. C'est d'ailleurs cette ambition, qui m'a précisément menée où je me trouve actuellement. Cette division dite «poubelle» du Monde, où convergent tous les êtres considérés comme «nuisibles» par notre bon et parfait Gouvernement, où plutôt devrait-on l'appeler Dictature, est en effet, depuis près d'un an à présent -je ne suis plus certaine d'avoir conservé une correcte notion du temps-, mon lieu de résidence définitif. Opposante politique. Réfractaire aux réformes pro-Mur. Criminelle. Individu dangereux pour la société. Ce sont leurs mots. C'est ainsi que l'on me décrit, ainsi que j'ai été montrée du doigt, pour avoir voulu m'opposer à leur politique invraisemblable. Je savais pertinemment ce qui m'attendait, au Sud. Mais je ne pouvais pas rester les bras croisés face à cette situation. Ce n'était pas moi. Il fallait à tout prix empêcher ce désastre de se produire, cette catastrophe de s'abattre sur le monde. Je savais que celui-ci était en déclin, mais jamais je n'aurais pu croire ce phénomène possible. Je croyais pourtant que le passé nous avait appris de nombreuses leçons, mais, peut-être l'être humain est en réalité trop stupide pour réaliser ce genre de réalité. Une fois de plus, un rideau de fer s'abattait sur le monde, et comme autrefois, il le séparait irrévocablement, et le divisait, peut-être pour toujours.
J'aurais espéré l'appui de mes collègues pour cette campagne de protestation. Malheureusement pour moi, aucun d'eux n'a osé lever le petit doigt. Personne ne voulait se retrouver en bas, séparé du reste du monde. Alors ils m'ont laissée seule. J'ai combattu, du mieux que je le pouvais, sans jamais renoncer. Je savais que je mettais ma propre vie en péril, mais peu m'importait. Qu'est-ce que ma vie, face à celle de milliards d'autres individus ?! J'ai été profondément déçue de la part de mes compatriotes. Peu se sont montrés assez audacieux et courageux pour oser s'affirmer, et résister. Si seulement quelques centaines d'autres nous avaient épaulés, peut-être la partie aurait pu être gagnée, ou du moins, l'ampleur des dégâts limitée.

Lorsque je débutais ma carrière dans le monde difficile de la politique, au sein du parti démocratique, je fis la rencontre soudaine d'un homme, qui, je le crus au départ, était exactement la personne qui manquait à ma vie. Je le trouvais incroyablement séduisant et charismatique, doué d'un talent oratoire hors du commun, qui vous scotchait littéralement à votre siège, à chacune de ses interventions. Cet homme se nommait Daniel. Daniel Hawkins. Il devint le père de mon unique enfant, et quelques mois après la naissance de celui-ci, mon époux. J'étais fascinée par cet individu. Je l'aimais d'un amour fou et passionné, j'avais envie de l'avoir éternellement à mes côtés, de sentir la chaleur réconfortante de son corps contre le mien, et de demeurer à jamais la femme de sa vie. Mais, comme n'importe qui peut le constater à présent, mon souhait ne s'est évidemment pas réalisé. C'est grâce à lui que je donnais naissance à Emma, ma chère fille. Emma, ce nom me fait encore frémir de douleur. Qu'elle était belle, avec ses longs et doux cheveux blonds comme le blé, et ses yeux lagon, grands et pétillants. Je trouvais ma situation idyllique. Un mari que j'aimais plus que tout, et une magnifique petite fille, j'étais entourée d'êtres merveilleux, et je n'aurais pu rêver mieux. Cependant, tout bascula à l'annonce de la construction de ce mur, qui, en plus de ruiner la vie de millions de personne, détruit également la mienne.

Je me souviens de son regard, de la façon dont Daniel me regardait lorsque, face à mon écran de télévision, je pestais contre les annonces officielles faites par le Gouvernement, ou les différents reportages à la gloire de celui-ci. Il était comme effrayé, agacé, et ne cessais de jeter autour de lui des regards furtifs et inquiets en direction de la porte, ou des fenêtres de notre maison. Il savait que je me lancerai coûte que coûte dans une sorte de rébellion contre toutes ces réformes annoncées par les autorités supérieures, mais, il ne voulait pas prendre part à mes actions, je le savais. Il avait beau toujours avoir été à mes côtés, désormais, il se sentait en insécurité. Mon propre mari, avait peur de moi. Il voulait sauver sa peau, et se fichait intérieurement du sort qui pouvait attendre les milliers de personnes victimes des foudres de notre régime politique. Ses convictions s'étaient envolées. Ce n'était plus l'homme que j'avais auparavant connu. Alors, comme je le pressentais, au moment de passer à l'offensive, il m'abandonna. Je menais alors seule cette lutte contre le pouvoir en place, mais ne résistais malheureusement pas assez longtemps pour pouvoir l'éradiquer. Daniel quitta la maison. Je le vis faire hâtivement ses valises, tremblant, de peur que je le prenne sur le fait. Il voulait se glisser hors de ma vie, sans que je ne m'en aperçoive. Pourtant, j'ai assisté à la scène. Je l'ai vu, s'échapper de notre domicile, comme un lâche, fuyant devant ses responsabilités. Pourtant je n'ai rien dit. J'ai regardé, contemplé cette scène avec une tristesse sans bornes. Je n'ai pas ouvert la bouche. Je l'ai laissé partir, c'était la dernière chose que je pouvais faire. Mais Daniel n'a même pas pris la peine de se soucier, outre de ma propre existence future, de celle de notre fille Emma. Il l'a abandonnée. Je ne l'aurais jamais cru capable d'une telle chose, mais, après tout, beaucoup de gens m'avaient surpris à l'annonce de la séparation du Monde en 2 zones distinctes. Les gens se montraient tous plus odieux et abominables les uns que les autres. La notion de solidarité, d'éthique, semblait avoir quitté l'esprit de la population entière. Seule importait leur propre sort.

Emma venait d'avoir 14 ans lorsque les événements ont commencé à s'enchaîner de manière funeste. Elle me regardait avec de grands yeux humides baignés de larmes. Elle comprenait. Elle était intelligente, et avait saisi l'ampleur de la situation. Je la serrais fort dans mes bras. J'étais résolue à ne plus la quitter. Elle serait la dernière chose à laquelle je pourrais me raccrocher. Les autorités m'étaient tombées dessus, comme je m'y attendais depuis le début. J'avais mené une lutte sans précédent contre les États dirigeants de cette réforme qui allait diviser le monde. J'avais organisé de multiples congrès, et conférences, où je discourais devant des centaines et des centaines de personnes pour les convaincre de résister et se rallier à ma cause. La décision prise par le Gouvernement, allait détruire l'humanité. Mais mes actions ne suffirent pas à éloigner la menace. Une poignée de soldats fit irruption chez moi, brusquement. Je tenais ma fille fortement contre moi, pour la protéger. Elle ne voulait pas être emmenée, et je voulais également qu'elle reste, quoi qu'il arrive, à mes côtés. Je devais la garder à l'œil, car, qui sait ce que ces gens auraient pu lui faire croire. Je ne voulais pas la mettre en danger, même si je savais que mes souhaits ne seraient exaucés, une fois au Sud.
L'un des soldats braquait une arme sur moi, tandis qu'un autre maintenait la sienne contre ma tempe. Ils me demandèrent de me rendre, par ordre du Gouvernement. J'avais été désignée comme personne nuisible à la population et à la citoyenneté américaine et internationale, comme une criminelle dangereuse, pour avoir seulement osé prendre la parole, et m'exprimer. J'avais simplement suivi ce que les Droits de l'Homme m'autorisaient légitimement à faire. Mais, ces principes devaient être trop anciens pour que l'Etat daigne encore les suivre. Impuissante, j'abdiquais. Je me rendais. Je n'avais guère d'autre solutions. La mort peut-être. Mais à quoi bon ? Une fois le mur passé, je pouvais encore trouver le moyen de m'en sortir, la cervelle explosée, non. Et le destin de ma fille était entre mes mains, je devais réfléchir à mes actes avant d'agir. Ce dont j'ose encore me souvenir, c'est que nous avons, Emma et moi, jetée dans un camion, renfermant d'autres prisonniers tels que nous. Mais ces prisonniers n'avaient rien de dangereux. Ils étaient des citoyens honnêtes, pour la plupart, mais à l'instar de ma propre fille et de moi, ils avaient été considérés comme inadaptés à la construction d'un monde meilleur. Nous voyageâmes dans ce véhicule, serrés les uns contre les autres, traités comme de la vermine, pendant plusieurs heures. La frontière passée, nous fûmes jetés sur le sol, comme des moins que rien, et abandonnés à notre sort.

Emma et moi organisâmes notre survie de façon tout à fait précaire, comme la plupart d'entre nous. Nous luttions pour notre propre vie, dont une partie était irrémédiablement restée derrière les murs de la frontière. Certains, dont le cas était d'autant plus critique, semblaient avoir perdu toute humanité. Ces personnes, pourtant autrefois d'honnêtes citoyens, vivant leur vie simplement, sans causer le moindre trouble à qui que ce soit, avaient totalement changé leurs idéologies, leurs opinions, leurs principes, après avoir été expulsés et exclus de la population. Je me souviens comme si ces événements ne s'étaient produits que quelques secondes avant d'écrire tel que je suis en train de le faire en ce moment même. Cela ne faisait qu'une semaine que tous, nous étions retrouvés de l'autre côté du Mur. A Tijuana, personne n'avait les idées claires. Tous les esprits s'échauffaient pour trouver une solution, un moyen de subsister, de continuer, de renverser la situation. Tous, adoptaient un point de vue différent quant à l'avenir de notre nouvelle communauté. Fréquemment, il y avait des bagarres, qui éclataient entre différents groupes dont les pensées s'opposaient. Ce jour là, elle fut plus violente que d'ordinaire. Je me rappelle avoir regardé avec effroi ces hommes sortirent simultanément leurs armes de leur ceinture, serrant Emma tout contre moi, l'obligeant à détourner les yeux de la scène qui s'offrait à nous. Il y eut quelques coups de feu, certains se mirent à crier, et courir en tous sens. Les hommes qui s'affrontaient vociféraient toutes sortes d'injures et d'ordres à leurs acolytes, ou aux spectateurs. Quelqu'un nous bouscula, Emma et moi. Elle tomba. Je la perdis de vue. Les cris retentissaient de plus en plus, tandis que j'y mêlait les miens, pour localiser ma fille parmi cette foule grouillante. Les hommes armés commencèrent à tirer dans la foule, devenus incontrôlables et furieux sous l'effet de la pression, de l'adrénaline, du bruit environnant. Trois coups de feux, trois balles. L'une percuta Emma. La dernière vision que je garde de ce moment, est celle du cadavre de ma fille, inerte sur le sol. Poussant un cri horrifié, sentant les larmes ruisseler sur mon visage, mon cœur battre dans ma poitrine à tout rompre, je m'abaissai soudain, pour me laisser tomber auprès de son corps fragile et immobile, gisant dans une flaque de sang. Je tentais de la maintenir en vie mais, je ne pus entendre que ses dernières paroles, dans un ultime souffle, rauque et éraillé, je t'aime. »
Mémoires de Karen Hawkins, date exacte inconnue, 2086.